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Depuis qu’Augustin Delamare, 10 ans, a assisté à la demi-finale du tournoi de cécifoot des Jeux paralympiques, au pied de la tour Eiffel, samedi 7 septembre, il se voit déjà en gardien de but. « Il ne saurait peut-être même pas dire pourquoi, mais il a été happé par ce sport, témoigne son père, Yannick Delamare. Même s’il a toujours aimé le foot, Augustin n’a jamais été intéressé pour jouer en club. C’est le cécifoot qui l’attire, c’est tellement impressionnant à regarder ! »
Les Jeux paralympiques ont conquis le cœur du public, comme en témoigne la cérémonie de clôture regardée par 7,7 millions de téléspectateurs. Les 549 épreuves, qui se sont déroulées du 28 août au 8 septembre, ont cumulé trois cents heures de retransmission en direct sur France Télévisions. Une exposition inédite pour une audience de taille : selon Stéphane Sitbon-Gomez, directeur des antennes et des programmes de France Télévisions, « 49 millions de Français » (sur une population de 68 millions) ont regardé, en cumulé, au moins une minute des Jeux paralympiques.
Avec plus de 2,5 millions de billets vendus, les stades étaient pleins pour encourager les 4 400 athlètes. « On ne s’attendait pas à autant de spectateurs, reconnaît Jean-François Chevalier, président du Cécifoot club de Bondy. On a eu la plus belle des opportunités : jouer au pied de la tour Eiffel. Cela a éveillé deux curiosités : le lieu et la découverte du cécifoot. Beaucoup de Français sont venus par curiosité et cela s’est transformé en véritable intérêt. Si l’équipe de France a gagné, c’est en grande partie grâce à l’enthousiasme et aux applaudissements. »
Les clubs de handisport comptent bien surfer sur cette vague. Augmentation du nombre de licenciés, de partenaires et d’infrastructures : les attentes sont nombreuses et les acteurs du handisport n’entendent pas se reposer sur leurs acquis. « Le club a la chance de compter des champions paralympiques, reprend Jean-François Chevalier. Aujourd’hui on est connu, reconnu, on parle de Bondy tous les jours. Cela permet de suggérer à nos partenaires d’aller plus loin. Les Jeux sont finis, maintenant on se prépare pour 2028 et le soutien des institutions et des partenaires privés est indispensable. »
Le programme Héritage des Jeux de Paris 2024 permettra aux clubs sportifs et handisports ainsi qu’aux municipalités de Seine-Saint-Denis de bénéficier de nouvelles infrastructures, permettant de développer davantage la pratique. A Bobigny, par exemple, le site d’entraînement pour les Jeux de Paris 2024 deviendra en 2025 le Pôle de référence inclusif sportif métropolitain (Prisme), un tout nouveau hub handisport unique en Europe d’une surface de 13 000 m².
La Seine-Saint-Denis compte environ trois cents clubs sportifs et une dizaine seulement destinés au handisport. « Le premier frein est matériel. C’est très cher et les clubs n’ont pas les moyens, explique Eyméric Hubrecht, agent de développement au Comité régional handisport de Seine-Saint-Denis. Le deuxième frein est la formation des encadrants. Ils n’ont pas encore assez de connaissance du handicap et il y a la peur d’accueillir un public qu’ils ne savent pas accompagner. »
Le problème du manque d’accessibilité aux infrastructures et aux transports revient aussi fréquemment. Le monde du handisport revendique une action plus importante de l’Etat. « Faire du sport c’est bien, mais il faut d’abord pouvoir y accéder. Il faut que des politiques soient mises en place à toutes les échelles, sinon ça ne peut pas marcher », poursuit Eyméric Hubrecht.
En attendant, la volonté des Séquano-Dionysiens est au rendez-vous et les projets se multiplient pour développer la pratique du handisport. Chaque année, des championnats régionaux sont organisés. Une section de para natation devrait voir le jour à l’automne grâce à l’association sportive Jeanne-d’Arc de Drancy, qui comporte déjà une section de sport adapté depuis six ans.
Cette section de para natation, une première pour le département, permettra à des personnes en situation de handicap d’être accompagnées par des bénévoles et de pouvoir prendre des cours d’apprentissage ou de perfectionnement pour tous les niveaux au stade nautique de Drancy. « Nous voulons vraiment développer la pratique, explique Romain Chastagner, directeur du stade nautique. Quitte à organiser une compétition amicale mêlant des personnes valides et d’autres en situation de handicap d’ici à 2025-2026. On a un vrai rôle d’inclusion sociale. Chacun doit voir que le handicap existe et qu’il n’est nullement un frein à la pratique sportive. »
A Bondy, le Cécifoot club ouvrira prochainement l’académie des jeunes enfants déficients visuels. Un projet devenu réalisable grâce au nouveau terrain mis à la disposition du club par la municipalité. Avant son inauguration, au mois d’avril, et depuis la création du club, en 2019, les athlètes déficients visuels s’entraînaient sur un terrain de football en salle aménagé par la ville pour accueillir le club mais non conforme aux normes paralympiques.
Ces passionnés de handisport visent encore plus haut et voudraient ouvrir une sixième section de football fauteuil. Un projet fou pour un club amateur : 240 000 euros sont nécessaires pour financer dix fauteuils et le camion pour les transporter. L’engouement suscité par les Jeux paralympiques fait souffler un vent d’espoir sur la Seine-Saint-Denis. Reste maintenant à le faire durer.
Ce sujet a été réalisé dans le cadre du projet « Terrains de Jeux », soutenu par Visa, partenaire mondial des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.
Jusqu’en novembre 2024, huit jeunes, accompagnés par les journalistes du Monde, racontent l’année olympique vue de la Seine-Saint-Denis sous forme d’articles, de vidéos et de podcasts. Ils ont été repérés par l’association Sport dans la ville dans le cadre d’un partenariat avec Visa dont l’objectif est de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes issus des quartiers prioritaires. La rédaction du Monde est responsable du choix des sujets et des contenus éditoriaux.
Lou Seigneur-Vitellius et Irina Da Costa-Borgnon
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